Sandrine Juglair pratique le mât chinois depuis l’enfance. © Fabien Buring 

Culture et patrimoine

Dicklove mélange les genres

Entre pole dance et mât chinois, cirque et théâtre, Sandrine Juglair questionne, dans Dicklove, son nouveau spectacle, les injonctions liées au genre. Un spectacle drôle, pertinent et émouvant à découvrir les 30 et 31 mai salle Jacques-Brel. 
Article de Anne-Laure Lemancel, publié dans Canal n° 326, mai 2024

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fille au masculin, garçon au féminin

Au beau milieu d’un espace circulaire où, comme dans un cirque, les spectateurs se font face, une barre métallique s’élance à la verticale. Est-ce un mât chinois, agrès traditionnellement réservé aux hommes, ou le symbole de la pole dance, discipline réputée sensuelle que pratiquent généralement les femmes ? La circassienne Sandrine Juglair joue de cette confusion entre deux arts similaires, mais tellement différents par leur approche genrée, pour questionner les frontières érigées entre hommes et femmes.

Comment définir le genre ? Où commence-t-il ? Est-il déterminé biologiquement ou bien peut-on le choisir ? Ce sont ces interrogations qui traversent Dicklove, prolongement de sa précédente création, Diktat : «  J’y questionnais les injonctions que l’on s’impose pour plaire et être validé socialement. Brièvement, je m’y transformais en homme, simplement par la posture et les mouvements du corps. Ce court épisode suscitait énormément de réactions. J’ai donc voulu poursuivre l’aventure… », explique la dramaturge, qualifiée de « garçon manqué  » dans son enfance, comme elle le raconte en préambule de Dicklove

Une création jubilatoire

Pour construire ce spectacle, elle s’est inspirée des écrits de Paul B. Preciado, de Judith Butler, de Mona Chollet ou de Donna Haraway, puis lui a donné vie au fil de sessions d’improvisations, en collaboration étroite avec le musicien Lucas Barbier qui fait se rencontrer… Johnny Halliday et Beyoncé. En résulte une création jubilatoire, qui brouille les pistes et les styles, s’installant à la lisière du cirque, du théâtre et de la chanson, comme un rappel de cet art ultra-populaire et éclectique qu’est le cabaret, lieu de toutes les transformations.

Et, dans cette jonglerie des genres à en perdre son féminin et son masculin, l’humour se taille la part du lion : « Pour moi, il s’agit d’un excellent biais pour faire passer des messages sensibles, voire épineux  », précise celle dont le corps, hors norme car façonné par des années de cirque, devient politique. «  J’ai essayé de créer un spectacle portant sur des thématiques clivantes qui ne soit ni didactique, ni moralisateur, mais qui touche tout le monde, du jeunequeer aux personnes hétéro-normées de 70 ans  », conclut-elle. Pari réussi !

 

Dicklove : jeudi 30 et vendredi 31 mai, 20.00, salle Jacques-Brel, 42, av. Édouard-Vaillant.
Réservation :  01 49 15 41 70 ou sortir.pantin.fr.