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Musique

Jazz indien au féminin

Pour sa dernière soirée à Pantin, le célèbre festival Banlieues Bleues accueille deux chanteuses trentenaires qui, chacune à sa manière, désirent changer le monde. D’origine indienne, Ganavya et Amirtha Kidambi délivrent un jazz hybride, spirituel et engagé à découvrir jeudi 4 avril 2024.
Article de Anne-Laure Lemancel, publié dans Canal n°325, avril 2024.

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Changer le monde

Du jazz au féminin, tourné vers l’Inde ? Voici l’ultime escale pantinoise de Banlieues Bleues, avec, en première partie, Ganavya, adoubée par des maîtres tels Wayne Shorter, Esperanza Spalding ou le dramaturge Peter Sellars.
Élevée dans le Tamil Nadu, État d’Inde du Sud, la chanteuse apprend dès l’enfance l’art de la danse bharata natyam, du chant, de l’harmonium et nourrit sa spiritualité au gré de pèlerinages. Aux USA, elle complète son parcours par des formations prestigieuses en théâtre, psychologie, performance contemporaine ou encore ethnomusicologie. C’est donc sur ces bases qu’elle développe un art pluridisciplinaire. «  Je chante pour rappeler notre capacité à changer le monde  », explique-t-elle. Le 4 avril, elle le prouvera en solo, grâce à sa voix étourdissante, qualifiée par le New York Times de «  fumée aussi sombre que de l’encre qui sort tout juste du feu  ».

Décolonisation musicale

Changer le monde. Telle est aussi l’ambition de sa compatriote Amirtha Kidambi. Âgée de 38 ans, cette Américaine originaire d’Inde du Sud a grandi dans un tourbillon de sons : house, musique carnatique – elle danse aussi le bharata natyam –, hip-hop californien, rock, jazz… Avec une prédilection pour les genres engagés.
Formée à la musique classique occidentale, elle s’imprègne ensuite de l’univers des contemporains et fréquente les clubs de jazz new-yorkais. Son style, hybride, mixe ainsi de nombreuses influences. «  Tout est venu sans forcer, avec le vocabulaire que j’avais accumulé. C’est mon identité, éclaire-t-elle. Ma musique est spirituelle car elle emprunte à l’extase indienne. Elle est aussi anti-hégémonique, anti-capitaliste, anti-coloniale, avec un noyau philosophique punk. Je veux que mes créations participent à la décolonisation mentale. Qu’elles s’inscrivent dans la tradition noire radicale, dans les traces de Max Roach, de Nina Simone ou Miriam Makeba... Nous devons encore questionner la manière dont les clichés coloniaux persistent dans nos représentations. Dans ce combat, la musique peut être une arme, un véhicule.  » Tout un programme !

Informations pratiques :

GOSPEL AFRO-FUTURISTE ET CHAMPETA COLOMBIENNE EN GUISE DE FINAL

Le final de Banlieues Bleues se déroule chez nos voisins d’Aubervilliers, mais il vaut le détour ! En ouverture ? La grande prêtresse du jazz, Angel Bat Dawid. Issue d’une lignée de pasteurs, auto-définie «  archéologue sonore des musiques noires  », cette clarinettiste-claviériste-déclamatrice forge une musique de transe et d’improvisation. Son blues visionnaire, que l’on pourrait qualifier de gospel afro-futuriste, est porté par un quintette féminin de luxe : les Sistazz of the Nitty Gritty.
Place ensuite à la potion créole explosive des Las Estrellas del Caribe. Ces champions de la champeta, musique urbaine afro-colombienne, débarquent tout droit de leur fief de Palenque de San Basilio pour livrer une soirée caliente.

Informations pratiques :
> Vendredi 5 avril 2024, 20.30
> L’Embarcadère d’Aubervilliers, 5, rue Édouard-Poisson. Tarifs : 12-18 euros.
> Réservation sur le site internet de Banlieues Bleues