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Culture et patrimoine

Gaëlle Bourges réécrit l’histoire de l’art avec son spectacle (La Bande à) Laura

Mais qui était donc la femme noire en arrière-plan de l’Olympia de Manet ? Et Victorine Meurent, l’héroïne de l’œuvre, était-elle vraiment une prostituée ? Avec (La bande à) LAURA, la chorégraphe Gaëlle Bourges réhabilite ces femmes oubliées de l’histoire de l’art. Un spectacle à voir les 7 et 8 mars à Pantin.
Article de Anne-Laure Lemancel, publié dans Canal n°314, mars 2023.

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Regarder l'interview de Gaëlle Bourges sur le compte YouTube de la ville.

Olympia de Manet : une oeuvre qui a fait scandale

Une femme blanche, nue, allongée sur un lit, scrute obstinément le peintre et le spectateur. Derrière elle, une camériste noire, vêtue à l’occidental, aux bras chargés d’un énorme bouquet. Chacun garde en mémoire la composition de l’Olympia, ce chef d’œuvre d’Édouard Manet, conservé au musée d’Orsay. À sa création, en 1863, le tableau provoque un énorme scandale. Comment le peintre a-t-il pu oser représenter une prétendue courtisane dans son plus simple appareil ? Voilà qui a suscité l’intérêt de la chorégraphe Gaëlle Bourges, dont les pièces dansées revisitent «  des œuvres anciennes ayant marqué le monde, nourrissant nos imaginaires et nous informant sur nos rapports aux corps  ». Ainsi a-t-elle travaillé, au gré de ses chorégraphies, sur la grotte de Lascaux, la tapisserie de La Dame à la licorne ou encore sur le Parthénon d’Athènes.

Savoir regarder de l’autre côté

Sa première relation avec l’Olympia remonte à 2010 lorsqu’elle crée son spectacle La Belle Indifférence qui explorait une série de nus emblématiques de la peinture occidentale. «  À l’époque, raconte la chorégraphe, je m’étais focalisée sur la figure principale du tableau, Victorine Meurent, perçue par le public comme une prostituée, alors qu’elle était modèle et peintre reconnue. Je m’attachais ainsi à la réhabiliter.  »
En 2019, à la faveur de l’exposition Le Modèle noir présentée au musée d’Orsay, elle en apprend davantage sur la femme visible en arrière-plan. Elle s’appelait Laure – sans patronyme –, habitait 11, rue de Vintimille et était peut-être lingère, couturière ou nourrice. Des informations parcellaires qui ne satisfont pas Gaëlle Bourges et la poussent à créer (La bande à) LAURA. Ce spectacle replace les deux modèles – Laure et Victorine –, sur un pied d’égalité vis-à-vis de l’histoire de l’art, laquelle a tendance à reléguer les femmes aux oubliettes.

Des tableaux vivants

Le spectacle s’impose comme une succession d’œuvres vivantes donnant chair à ces héroïnes. «   Une voix off raconte ce que nous savons d’elles, tandis que, par le biais d’un mouvement lent, servi par quatre interprètes, les corps tissent plusieurs tableaux : non seulement l’Olympia de Manet, mais aussi son sulfureux Déjeuner sur l’herbe ou encore la Vénus d’Urbin du Titien   », précise Gaëlle Bourges qui, évidemment, assume un propos éminemment féministe : «  Depuis l’enfance, je m’insurge contre la cruelle absence des femmes dans le monde de l’art. Plus tard, j’ai commencé à lire des autrices et penseuses féministes. Leurs œuvres irriguent mes créations. Dans chacune d’elles, je m’attèle à déconstruire l’ultra-domination de la pensée blanche et du patriarcat sur le reste du monde.  »

Informations pratiques :

  • (La bande à) LAURA
  • Mardi 7 et mercredi 8 mars à 20.00
  • Théâtre du Fil de l’eau, 20, rue Delizy
  • Réservation par téléphone au 01 49 15 41 70 ou sur le site internet de la ville